L’apport des sources sigillaires à l’histoire des pratiques gouvernementales est notable, il modifie sensiblement notre regard sur les grands princes du Moyen Âge central.Parmi eux, les comtes de Toulouse ont conçu des marques de cire (sceaux) et de plomb (bulles) qui articulent des enjeux liés à la fois à l’autorité et à la mémoire. L’exercice du pouvoir, ainsi que sa représentation, se réfère souvent à une noble origine qui doit sans cesse être réactivée au sein du lignage. La maison de Toulouse a innové en adoptant, au XIIe siècle, une image originale, la position de majesté, pour signifier son alliance prestigieuse et son étroite proximité avec la famille des rois capétiens. Elle a su également se distinguer dans le paysage emblématique d’un large Midi en créant un objet de communication d’une efficacité certaine, la croix raimondenque, c’est-à-dire la croix des comtes Raimond qui, aujourd’hui encore, investit notre panorama visuel.
Face à une tradition historiographique prompte à souligner les limites ou les défaillances de l’idéologie raimondine, cette étude tend à montrer l’importance cruciale de l’instrument sigillaire dans le contexte des années 1150-1250, alors que les comtes doivent sans cesse faire face aux tentatives d’expansion de leurs puissants voisins (rois d’Aragon – comtes de Barcelone, rois d’Angleterre – ducs d’Aquitaine, papauté et rois de France). Dans cette situation singulière, la majesté et la croix constituent une réponse visible et tangible ; elles légitiment une autorité dont le sens puise sa source dans la mémoire illustre des ancêtres.