Longtemps dominé par une volonté de maîtrise, incarnée par la construction d’ouvrages techniques, le rapport à l’eau de maints acteurs s’est progressivement inversé depuis les années 1970 sous l’influence du poids des considérations environnementales et de la reconnaissance de limites dans les interventions humaines. Cette évolution s’est manifestée dans divers domaines allant de la gestion des eaux pluviales à celle du risque d’inondation ou encore dans le domaine de l’aménagement et de la gestion des cours d’eau, qu’on s’efforce désormais de ménager voire de renaturer. L’eau s’impose alors comme une véritable « ressource territoriale », au point de devenir parfois une figure centrale de tout projet territorial qu’il s’agisse d’esthétique, de paysage, d’écologie ou de nourrir un imaginaire, une sensibilité et une poétique. Cette mise en avant de l’eau et des espaces de l’eau participe aussi d’une démarche de marketing territorial.
Pour autant, derrière un apparent consensus, la valorisation de l’eau dans les projets territoriaux n’est pas dénuée d’ambiguïtés reflétant les conceptions différentes, potentiellement concurrentes et contradictoires, qui se déploient à propos des milieux aquatiques. Faut-il mettre à distance l’eau et tenter de la maîtriser via des aménagements structurels ? Faut-il s’en rapprocher et s’efforcer de vivre avec en tissant de nouvelles proximités spatiales et sociales, ainsi que de nouvelles formes de valorisation économique ou écologique ? Les réponses à ces questions ont varié au fil du temps. Mais aujourd’hui, les multiples liens tissés avec l’eau représentent une opportunité pour penser un aménagement au gré de l’eau et non contre elle ou sans elle. Les articles de ce numéro offrent un éventail d’analyses à différentes échelles de cette mise en service de l’eau dans les projets territoriaux, pour certains en s’appuyant sur des cas d’étude localisés dans l’espace sud-ouest européen, pour d’autres hors de cette aire géographique, permettant ainsi d’identifier de grandes tendances qui manifestement dépassent les singularités géographiques locales ou régionales.
Deux articles complètent ce numéro thématique. Le premier présente les associations foncières pastorales qui, au-delà de leur origine montagnarde, pourraient être des outils précieux de gestion collective du foncier privé. Le second article reste dans les Pyrénées mais pour y discuter certains choix de mobilité opérés dans des territoires de faible densité.