L’opposition ou la distinction fondatrice entre théorie et pratique musicale, autrement dit entre celui qui sait de quoi est faite la musique et celui qui la pratique, est effective dès l’Antiquité. Relayée par Boèce, elle se cristallise au Moyen Âge à travers le jugement sans appel de Gui d’Arezzo, qui établit une hiérarchie entre le musicus, celui qui sait, et le cantor, qui agit sans savoir. Les réseaux d’oppositions qui se sont constitués autour de ces deux concepts, au fil du temps, sont repérables, variables, parfois récurrents, selon les lieux ou le positionnement institutionnel de celui qui porte le jugement. Ces oppositions, souvent issues de représentations binaires, induisent des hiérarchisations, des échelles de valeurs (ce qui est jugé positivement ou négativement), qui vont jusqu’à générer des discours marqueurs d’appartenances et d’idéologies.
Cet ouvrage vise à mieux cerner les enjeux épistémologiques liés aux concepts de théorie et de pratique, dans l’enseignement musical, au cours de l’histoire (nature, fonction, évolutions). Il s’agit de vérifier l’acceptabilité ou au contraire la nécessité du dépassement d’une telle dichotomie. Cette approche conduit à une mise à nu des déficits qui font obstacle aujourd’hui à une approche intégrant et dépassant le couple théorie-pratique musicale, lorsqu’il est question d’enseignement.