Ce numéro multiplie les pas de côté interdisciplinaires pour décrire dans toute sa complexité le phénomène de la marche urbaine. Il passe du point de vue de l’écrivain à celui de l’urbaniste, de celui de l’architecte à celui du sociologue ou encore du designer. Il adopte des échelles d’observation allant de l’intime et de l’introspection – via l’évocation de différents récits de marche et portraits de marcheurs dans la littérature – à la cartographie surplombante de grands ensembles urbains et à la délimitation de leurs zones piétonnes – via l’examen de différents plans et projets urbanistiques.
Les contributions à ce numéro s’organisent autour de cinq propositions. D’abord, la marche est envisagée comme un récit – l’accompagnement d’un phrasé ou l’élan d’une traduction. La marche est alors considérée comme l’occasion d’un dépassement identitaire : marcher entraîne un mouvement de conformation à un attendu collectif mais également de dépassement des cadres normatifs auxquels on est censé s’astreindre. La marche en ville peut aussi être envisagée comme un art civique dans le sens où elle donne droit de cité (présence physique au monde) tout en donnant à penser la cité (organisation de la distribution socio-économique du lieu). Cette tension permet de considérer la marche en ville comme l’occasion d’un aménagement de l’espace : marcher, c’est aussi une activité qui s’inscrit – avec plus ou moins de force selon les périodes – dans un programme politique de planification urbaine. Enfin, on ne saurait oublier que la marche urbaine n’est souvent possible qu’en tant qu’agencement sociotechnique : marcher, c’est réunir avec et autour de soi un ensemble d’équipements, de dispositifs, d’artefacts qui contribuent à la fois à sa réalisation et à sa perpétuelle transformation.