L’approche historique de la construction européenne, basée sur des documents d’archives, est encore relativement récente puisqu’elle est née à la fin des années 1970. Affranchie depuis longtemps d’un discours empreint d’idéalisme et de finalisme, cette discipline a connu, depuis une bonne décennie, un profond renouvellement qui lui a permis de dépasser l’opposition entre une perspective fédéraliste, qui s’intéressait surtout aux dynamiques communautaires, et une perspective intergouvernementaliste, qui mettait principalement l’accent sur le rôle des États-membres. Une nouvelle approche s’est ainsi développée, s’intéressant également aux différents milieux non-étatiques porteurs d’unité européenne (milieux économiques, politiques, intellectuels, religieux, etc.) ou aux opinions publiques, voire à la question d’un espace public européen.
Après s’être longtemps focalisés sur la construction de l’Europe communautaire, les historiens cherchent donc aujourd’hui à envisager ce processus dans sa globalité, en tenant compte des résistances qu’il a fait naître, tout comme des projets concurrents qu’il a dû affronter ou qu’il a suscités. Il faut bien admettre également que les interrogations des historiens sont souvent fonction des questions du présent : de ce point de vue, la période difficile que traverse la construction européenne depuis les « non » français et néerlandais au projet de Traité constitutionnel (2005), puis le « non » plus récent des Irlandais au traité de Lisbonne (2008), ne pouvait qu’inciter les historiens à s’intéresser aux phénomènes de résistance à l’intégration européenne.