La question des identités en situation coloniale, aujourd’hui largement interrogées, renvoie à d’évidents enjeux démographiques, paradoxalement beaucoup moins étudiés. Pour l’Algérie du XIXᵉ siècle, ce constat s’explique par le caractère lacunaire et incertain de la connaissance des faits démographiques, et par le manque de sources fiables. Le bilan de la catastrophe démographique de 1867-1868 reste en partie à dresser, aussi bien pour la population indigène qu’européenne.
De plus, l’état économique du pays avant 1830, le nombre d’habitants que compte l’Algérie à l’arrivée des Français, l’impact des maladies sur les populations, ou encore les conséquences démographiques de la guerre d’invasion font encore débat. En mobilisant les abondantes – et en grande partie inexploitées – archives du personnel militaire de la seconde armée coloniale du monde, cet ouvrage propose pour la première fois une histoire anthropométrique de l’Algérie sur la longue durée (1800-1880) qui apporte des éléments de réponse à ces questions. La stature adulte des soldats indigènes et européens, considérée comme indice biologique des niveaux de vie, est confrontée aux autres données économiques, démographiques et climatiques.
L’ouvrage situe ainsi la trajectoire démographique des populations entre scénario d’Ancien Régime – prima des facteurs naturels – et scénario critique – prima des facteurs humains – et, enjeu majeur, réévalue le nombre d’habitants à l’aube de la colonisation. Il propose une lecture critique de l’histoire économique et sociale de l’Algérie, contribue à replacer les indigènes ruraux au cœur de l’histoire algérienne et offre une mise en perspective internationale et impériale du cas algérien.