Depuis les années 1950, les manuels scolaires de géographie dépeignent les espaces ruraux d’Afrique sans se dégager des représentations exotico-coloniales. Cet imaginaire inscrit dans une mythologie coloniale s’articule autour de quatre objets géographiques : la nature, le village, la société et les espaces agricoles. La résistance d’un regard exotique semble liée au système « manuel », générateur de blocages et d’immobilisme, mais aussi à la structure des discours dans laquelle les images et les mots s’allient pour « exotiser » ces espaces.
Des enquêtes menées auprès d’élèves du primaire et du secondaire, en France et en lycée français d’Afrique, complétées par des entretiens d’enseignants confirment que les manuels participent activement au processus de construction des savoirs sur l’Afrique en classe. De fait, les représentations exotico-coloniales se diffusent. Ainsi, la géographie scolaire produit une culture structurée autour d’espaces métonymiques. Cette pratique attribue à chaque espace une fonction pédagogique et didactique, ce qui revient à mettre en place une idée pour un lieu. Si cette technique a des valeurs pédagogiques indéniables, elle va à l’encontre d’une éducation à l’altérité prônée par les instructions officielles, car elle favorise le maintien de l’exotisme dans les discours. Pourtant, le travail de terrain montre que cette fabrication d’imaginaire exotique est conscientisée par les acteurs et que les déformations sont constitutives de l’acte d’enseigner. Par conséquent, l’exotisation est un processus paradoxal car il est à la fois un héritage colonial et le témoin d’une mauvaise orchestration de la classe, mais il est aussi un outil didactique et pédagogique opérationnel pour une éducation à l’altérité.