Les sciences positives nous ont accoutumés à voir dans les objets des choses autonomes, indépendantes de leurs usagers, artisans… La sociologie, et tout particulièrement la sociologie pragmatique, est revenue sur ce préformatage de la présence des objets au sein des collectifs, récusant l’ontologie autonomiste des objets. Dans ses Essais de pragmatisme radical (1912), W. James propose ainsi de traiter les objets comme des « objets en train de se faire », ou le résultat provisoire de l’activité collective déployée autour d’eux. Le développement de cette alternative ontologique des objets par la sociologie à la fin du XXe siècle a alimenté un fort débat au sein de la discipline au sujet du mode d’existence des objets dans les collectifs.
Les travaux récents réunis dans ce numéro montrent que la controverse sur le mode d’existence des objets n’est pas confinée à la sociologie ; il ne s’agit pas seulement d’un choix de sociologue entre différentes hypothèses « théoriques ». Des disputes entre acteurs au sujet de certifications notamment indiquent qu’eux aussi ont des positions divergentes à cet endroit. Parfois même, le mode d’existence des objets, comme chose prédéterminée ou comme production sans cesse relancée, occupe l’enjeu même des débats.
Avec cette livraison, Sciences de la Société s’intéresse à la présence des objets et aux instruments qui attestent leur présence, pour mieux comprendre ces controverses interminables sur les garanties, sur les tests et les épreuves, sur « l’esprit » des objets, sur leur caractère illusoire ; mais aussi afin d’aider les acteurs à tirer parti de ces modalités plurielles d’existence de nos compagnons de toujours, les objets.