Entre XVIe et XVIIIe siècles, moment charnière de la civilisation occidentale, une conceptualisation de l’univers cède le pas à une autre, et engage inéluctablement un processus de spécification – et donc de division – des savoirs, tandis que, dans un mouvement parallèle, l’image du savant isolé, susceptible à lui seul d’embrasser toutes les connaissances possibles, vit ses dernières heures, et que la place privilégiée qu’occupaient les Lettres est en régression. Toutefois, ce processus ne prend pas plus la forme d’une rupture, qu’il ne se déploie de manière uniforme dans ses différents champs d’application. Une perspective de temps long laisse clairement apparaître des phénomènes de continuité et des procédures palliatives ainsi que la différence de tempo.
Si la critique s’intéresse déjà depuis quelques décennies à cette question, explorer des phénomènes de résistance au processus général de division des savoirs reste fécond, permettant, entre autres, de mettre en lumière la capacité du littéraire à s’adapter aux différents champs de savoirs et, réciproquement, l’effort des savoirs pour se dire encore par le biais du littéraire. C’est à quoi s’emploie ce dossier croisant les domaines littéraire, scientifique, juridique et musical, qui s’ouvre sur un article de Patrick Dandrey et où les travaux de jeunes chercheurs viennent dialoguer avec ceux de leurs aînés.