Ce numéro de Sciences de la Société vise à prolonger le questionnement sur les pratiques scientifiques à partir des traces matérielles produites quotidiennement par les chercheurs dans leurs activités de recherche, aux côtés des publications formelles. Ces traces (carnets, notes, brouillons, photographies, rushes de films, enregistrements audio, fichiers informatiques, etc.) font l’objet de peu d’attention. Elles représentent pourtant une fenêtre irremplaçable sur la science en train de se construire et permettent de rendre visible et compréhensible le processus habituellement dissimulé de production de la science, ce qui constitue un indéniable enjeu scientifique et sociétal.
Les chercheurs entretiennent cependant une relation souvent ambivalente à ces traces documentées, entre désir de conservation, besoin d’oubli et gestion de tri. Conserver, c’est en effet organiser une mise en mémoire de la science, porteuse de multiples enjeux. C’est à leur explicitation que sont consacrés les travaux réunis dans ce numéro, qu’il s’agisse d’enjeux de traçabilité et de pérennité des données de la recherche, d’enjeux épistémologiques liés à la matérialité du support et au rapport que chaque chercheur entretient à ses objets d’étude, d’enjeux identitaires, professionnels ou encore communautaires.
La présente livraison de Sciences de la Société montre finalement comment un questionnement sur les écologies de conservation de l’infra-ordinaire de la recherche met en lumière une problématique croissante de mise en patrimoine de la science, par le biais notamment de ses traces quotidiennes.